mercredi 18 juin 2014

Assassination Classroom

La classe 3-E ainsi que le corps professoral.
Pour ce premier billet consacré à un manga j'ai décidé de vous parler d'Assassination Classroom. Il s'agit d'un Shonen de Yusei Matsui prépublié dans le le magazine Weekly Shōnen Jump de l'éditeur Shūeisha depuis juillet 2012 et est éditée par par Kana depuis octobre 2013.

Après avoir détruit 70% de l'astre lunaire, une créature ressemblant à un poulpe et capable de se déplacer à MACH 20 a posé un ultimatum aux chefs d'états terrestres impuissants face à lui : il détruira la terre au terme de l'année scolaire (qui se situe au mois de mars au Japon.) Durant l’intervalle il sera le professeur d'une classe dans les membres auront pour mission de l’assassiner avant la date fatidique signifiant la fin du monde. Afin de les motiver une prime de 10 milliards de yens est mise en place et des tueurs professionnels, dûment mandatés par les gouvernements mondiaux, intègrent le corps professoral afin de transformer de simple collégiens en redoutables assassins. D'où le nom de la série.

La créature jette son dévolu sur la classe 3-E du collège Kunugigaoka, devenant par la même occasion doublement spéciale. Car en plus de recevoir secrètement une formation d'assassin en vue de sauver le monde en tuant leur professeur principal, cette classe se trouve être intégralement constituée des plus mauvais élèves du collège. En effet, sous l'impulsion de son proviseur, l'établissement d'études mise tout sur la performance scolaire si bien que les meilleurs éléments disposent du maximum de facilités alors que les mauvais finissent relégués dans la 3-E : locaux vétustes, prioritaires en rien, oubliés en tout et sans possibilité d'évolution aucune. En faisant ainsi de cette classe des parias et souffres-douleur, les autres élèves du collège se retrouvent stimulés et motivés afin de pas s'échouer en 3-E, la classe des "Epaves".
La 3-E en pleine séance de travaux pratiques.
En dépit d'un pitch foutraque, Yusei Matsui signe en fait pour le Jump un shōnen reprenant tous les canons des mangas pour adolescents : un ennemi à priori invincible, un groupe de héros lancés bien malgré eux dans une lutte féroce, l'apprentissage face à l'adversité, etc. Le dessin est net et agréable, mais n'a rien d'exceptionnel. Par contre la narration et le rythme sont vraiment maîtrisés. Je ne le considère pas non plus comme un gag manga ; si certaines situations se révèlent cocasses, Assassination Classroom est amusant mais ne se veut pas drôle.

En fait, on aurait même pu croire que cette série puisse rapidement devenir ennuyeuse. Mais c'était sans compter sur l'inventivité de son mangaka : malgré sa situation ambiguë la créature, surnommée Koro par ses élèves, se révèle également un professeur exceptionnel, poussant chacun d'entre-eux à se surpasser et à exploiter au mieux leurs aptitudes naturelles. Les collégiens, d'ailleurs, et ce même si certains sortent du lot, sont la plupart du temps traités comme une groupe homogène, faisant corps et front ensemble. La classe des épaves devient alors un personnage à part entière, plaçant Koro en position centrale du récit, inversant par la même occasion les codes habituels de ce type de récit et brouillant les pistes. Certains chapitres, celui narrant l'examen semestriel par exemple, sont cependant vraiment originaux dans leur découpage et leur narration, apportant de place en place de la surprise et de la nouveauté à l'histoire.

A la lecture de cette série je ne peux en outre m'ôter de l'esprit que la valorisation systématique des méthodes d'enseignement de Koro et la mise en avant du travail de sape permanent qu'oppose le proviseur du collège à la classe 3-E cache en fait une satire du système scolaire japonais : valorisant la performance, la force de travail et d'apprentissage, ce dernier ne semble pas permettre d'après l'auteur l'épanouissement et la valorisation personnelle.

Avec 9 volumes parus au Japon au moment de ce billet et 4 en France, Assassination Classroom est un bon manga, fun et plaisant à lire. Cette année il est d'ailleurs le premier choix de conseil dans les librairies spécialisées au Japon, ce qui se comprend aisément du fait de son accès facile. A noté qu'un OAV a été diffusé lors du Jump Super Anime Tour 2013.

Assassination Classroom

Dessin & scénario Yusei Matsui
Genre Manga (broché)

lundi 9 juin 2014

The Rover


Cette fois-ci j'ai décidé de m'attarder sur The Rover, la dernière réalisation de l'australien David Michôd et présenté hors compétition au dernier festival de Cannes. Après l'effondrement de l'économie occidentale, seules les mines australiennes fonctionnent encore, attirant par la même occasion tous les rebuts de la société, paradoxalement les plus à même de survivre dans un pays dépouillé de tout avenir.

En effet l'Australie dépeinte dans ce film par Michôd est à bout de souffle, asphyxiée, sans perspective aucune. L'humanité s'accroche au peu qui lui reste, paumée en plein cœur de ce désert omniprésent et impitoyable : chaud, lumineux, aride, balayée par les sables de son glorieux passé. Les démarches sont pesantes, traînantes, désabusées. Mais le regard des hommes reste, lui, alerte, sur  le qui-vive. Car malgré tout l'humanité veut survivre, par n'importe quel moyen, même si cela ne signifie plus à rien, et s'accroche a une normalité désuète.

Ainsi, pour récupérer sa voiture, Eric, campé par un Guy Pearce tout en violence et colère a peine contenue, se lance à la poursuite d'une bande lui ayant volé sa voiture. Au passage il embarque Rey, le frère d'un des membres du gang laissé pour mort après une fusillade. Robert Pattinson, qui prête ses traits à ce jeune frère inexpérimenté à l'accent lourd, s'en sort vraiment bien, même s'il peine vraiment à égaler un Pearce magistral qui donne l'impression de pouvoir exploser à tout moment tant il dégage de violence bestiale retenue avec peine, à fleur de peau.

Mais si le jeu des acteurs porte le film, la réalisation n'est pas en reste. Les plans sont bruts et mettent en valeur ce désert australien qui sait ici se faire oppressant tant il bouche l'horizon. Plus impressionnante encore est l'ambiance sonore du film qui vient renforcer l’âpreté de ce qui est présenté, achevant de donner à ce film un air de road-movie à la Mad Max alors qu'il n'en est pas un.

Il est en fait assez difficile de parler de ce film tant la volonté de nihilisme a été poussé par son réalisateur. C'est un film âpre, rugueux, que l'on visionne avec ses tripes plutôt qu'avec sa tête. Exigeant et viscéral, The Rover est joyau brut tout juste extrait des terres australes, une expérience titillant directement notre cerveau reptilien.

The Rover

Un film de David Michôd
Avec Guy PearceRobert Pattinson
Genre drame